En cette année du centenaire de la bataille de la Somme, une cérémonie du souvenir a eu lieu ce matin à la Résidence de France à Ho Chi Minh-Ville, en présence d’anciens combattants, de l’association Le Souvenir français, d’une classe de première du lycée Marguerite Duras et du Major Piétri, qui représentait la mission de défense. Dans les jardins de la Résidence de France se trouve une stèle sur laquelle on peut lire, en trois langues (français, alphabet vietnamien « Quôc Ngu » et alphabet Nôm) un hommage aux militaires français et vietnamiens tombés au combat. Cette stèle érigée en 1942 comporte trois datations : 1794-1802 pour l’intervention de l’évêque Pigneau de Behaine en faveur du prince Nguyên Anh, 1914-1918 pour la Grande Guerre et 1940-1941 pour les combats contre le Japon et les brèves escarmouches avec le Siam.
C’est un fait d’histoire relativement peu connu, mais parmi les 900 000 ouvriers coloniaux ou « exotiques » enrôlés dans l’armée française pendant la Première guerre mondiale se trouvaient 90 000 « Indochinois », pour la plupart Vietnamiens. 50 000 d’entre eux ont été affectés à l’arrière du front pour les besoins de la guerre industrielle. Une thèse d’histoire leur a été consacrée par la conservatrice du patrimoine Mireille Le Van Ho. Elle raconte aussi bien l’histoire de la décision d’enrôler les « Indochinois » et ses répercussions sur l’économie de la colonie, que la vie de ces gens jetés à l’autre bout du monde dans l’hiver de la Marne et de la Somme.
C’est en octobre 1915 qu’est prise par décret la décision de recruter en Indochine, sur le modèle de ce qui avait été fait en Afrique occidentale. Assez paradoxalement, cette décision reçut le soutien du lettré nationaliste et réformiste Phan Chu Trinh (1872-1926) qui vit dans le départ pour la France d’une génération le premier jalon de la modernisation de l’Indochine. Entre 1916 et 1917, c’est près de 15 à 20 % de la génération des 20-30 ans du Nord et du Centre-Nord du Vietnam qui prennent la mer en direction de la France. Ils ont été moins nombreux au Sud du pays, car les mandarins qui servaient de recruteurs avaient moins d’emprise sur une population généralement plus résistante. Arrivés en France, ils font l’expérience du déracinement, de la surveillance policière et du taylorisme. Même s’il n’y eut, dans l’ensemble, que peu de réactions, le traumatisme a été pour eux important.
Certains ont épousé des Françaises et sont restés ; ils représentent la première génération d’immigrés vietnamiens en France. D’autres sont rentrés après la guerre. Ils ont été nombreux, à leur retour, à participer à la contestation du système colonial.
Source : https://ho-chi-minh-ville.consulfrance.org/Grand-angle-Des-Vietnamiens-dans-la-Grande-Guerre
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